Friday, August 24, 2007

Lettre ouverte à Nicolas Sarkozy: pour un euro fort

Monsieur le Président,

Votre récente élection par le magazine Vanity Fair au top de la liste des hommes les mieux habillés au monde aura peut-être fait sourire certains eu égard aux nombreuses tâches, bien plus importantes, qui vous attendent en tant que Président de la république française.
Monsieur le Président, votre costume vous sied à merveille.
Il serait dommage de vouloir le troquer contre celui de Monsieur Jean-Claude Trichet de la banque centrale européenne (BCE).
Pourquoi ?
L'histoire nous donne parfois l'occasion de prendre du recul par rapport au présent. Dans une exposition d'art précolombien à Bruxelles, on peut admirer un manteau ayant appartenu à un chef de tribu indienne. Cette magnifique parure a la particularité d'être entièrement recouverte de plumes d'oiseaux rares. Les plumes servaient à l'époque de monnaie dans de nombreuses contrées. En recouvrant son manteau de plumes, ce chef pouvait ainsi faire état de sa richesse. Il n'est pas très difficile de comprendre, même intuitivement, pourquoi la fortune de ce chef fut de courte durée.
Aujourd'hui les plumes ont été remplacées par des morceaux de papier imprimé: dollar, euro ou autre oiseau.
Tout comme à l'époque précolombienne, le principe ne fonctionne que s'il y a rareté. Comme au temps de ce chef de tribu, la tentation est double: produire le plus de «papiers/plumes » possible et, c'est hélas une réalité, convoiter les « papiers/plumes » des autres. De nos jours, la tentation est tournée vers le dollar US, parce que les américains sont devenus les maîtres du monde.
Les USA risquent de subir le même sort que la tribu indienne parce que le dollar devient une monnaie faible et qu'ils ne semblent pas vouloir travailler pour un dollar fort, condition sine qua non pour une croissance durable. Le coût de leurs dettes risque par conséquent d'être plus élevé que par le passé et d'accélérer un peu plus la perte lente mais déjà visible de leur monopole du pouvoir qui leur a permis, dans le passé, d'emprunter à bon marché.
La banque centrale européenne, quant à elle, est parvenue à construire un euro fort. Résultat ? La croissance européenne est aujourd'hui supérieure à celle des USA.
Il n'est peut-être pas inutile de rappeler que l'Europe s'est construite depuis la deuxième guerre mondiale autour d'un deutsche mark fort.

Il serait (vraiment) dommage de vouloir faire porter par Mr. Trichet le manteau de Mr. B. Bernanke de la réserve fédérale américaine ( FED) sous prétexte que la BCE ne tiendrait pas suffisamment compte de la croissance: aucune banque centrale, pas même la FED, ne suit pleinement une politique de "nominal GDP targeting" ( croissance réelle et inflation) pour des raisons principalement techniques. Affirmer le contraire en ce qui concerne la FED relève du discours politique car, en réalité, cette dernière ne fait ni plus ni moins en matière de croissance que la BCE, à savoir regarder dans le rétroviseur, c'est-à-dire, vers le passé. Tout(e) objectif(projection) de croissance en matière de fixation des taux d'intérêt revient actuellement à prendre ses désirs pour des réalités: la crise actuelle des subprime mortgages aux USA, qui est due en partie à la forte diminution de taux décidée par la FED au lendemain du 11 septembre, en offre une parfaite illustration.
Vous dites souvent qu'il n'y a pas de fatalité. Les effets bénéfiques d'une maîtrise de l'inflation sur la croissance n'en sont pas une.

Je vous prie d'agréer, Monsieur le Président, l'expression de mon profond respect.

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