La fin des empires a rarement les mêmes causes. L’empire romain, par exemple, a été bâti sur les conquêtes militaires. Le début du déclin de l’empire romain remonte, selon certains, à l’introduction du port de l’étrier pour la monte à cheval.
L’empire américain a été bâti sur la puissance économique. Le déclin de l’empire américain aura une cause économique, qui pourrait être la faiblesse du dollar.
Une monnaie est le nerf de l’économie d’un pays.
Pour illustrer cela, une parure d’art précolombien exposée aux Musées royaux d’Art et d’Histoire à Bruxelles parle d’elle-même. Cette parure, qui appartenait à un chef de tribu, est un grand manteau couvert de plumes rares. A cette époque, la plume d’oiseau servait de monnaie. En couvrant son manteau de plumes, ce chef pouvait ainsi faire état de son immense fortune. Sa fortune a été, on peut le deviner, très éphémère. Aujourd’hui, la plume d’oiseau a été remplacée par des morceaux de papier imprimé. Aux USA, ce bout de papier est le dollar.
Théoriquement, on ne peut pas bâtir une économie forte sur la base d’une monnaie faible.
Pourtant, c’est ce que les USA ont fait au cours des dernières décennies, aidés en cela par des circonstances extraordinaires. Maîtres incontestés du monde « libre » jusqu’à la chute du mur de Berlin, les USA sont parvenus à imposer le dollar comme principale monnaie d’échange international et de réserve. Forts de ce statut, ils ont noyé le monde avec des dollars (en faisant tout simplement tourner leur imprimante), dollars qu'ils ont ensuite empruntés à meilleur marché sur les marchés internationaux. Exemple : un suisse ou un japonais qui a acheté des bons du Trésor américain à 30 ans en 1977, au taux de change de l’époque, recevra en 2007 des dollars qui auront entre-temps perdu plus de la moitié de leur valeur.
Cette opportunité de financement à bon marché est plus fortement exploitée par les USA depuis 1985, année pendant laquelle ils sont devenus débiteurs net sur le marché des capitaux.Les USA ont perdu le contrôle du taux de change de leur propre devise.
La Chine a accumulé une telle quantité de dollars qu’elle est devenue quasi maître du taux de change du dollar. Elle a intérêt à ce que le dollar reste stable. De plus, l’euro est en train de grignoter des parts de marché au dollar. Les USA risquent d’être déçus s’ils espèrent continuer à bénéficier de sources de financement à bon marché. De même, les appels récents du FMI pour une dévaluation sensible du dollar risquent d'avoir peu d'écho auprès des stratèges gestionnaires chinois.
Le dollar faible, un cadeau empoisonné.
Par conséquent, la charge de la dette des USA, devenue colossale, risque de s’alourdir. La faiblesse passée du dollar, qui était vue par beaucoup d’américains comme un cadeau, pourrait laisser un arrière goût de poison. La seule antidote dont disposent les USA pour éviter une issue fatale est une réduction drastique et rapide de leurs déficits ainsi que le retour à une certaine orthodoxie économique impliquant un objectif de stabilisation du dollar. Seront-ils capables de faire tous les efforts nécessaires pour cela?
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